L'enfant soldat
Chers parents,
Vous avez voulu que je parte à la guerre
Que je défende notre terre
Celle de nos ancêtres
Alors je suis parti le faire
Vous êtes si loin de ce paysage
Vous êtes si loin de ce carnage
Que je me dis qu'il est plus sage
De vous le décrire en quelques pages
Vous avez voulu que votre fils voit cela
Vous avez voulu que je connaisse la guerre
Alors laissez moi vous dire ce que je vois
Laissez moi vous faire part de cet enfer
Voilà comment ça commence…
T'es entassé les uns
sur les autres
Il pleut, du moins
c'est ce que tu crois
Mais en vrai ce sont
les cendres des autres
Ce sont les cendres
des enfants comme moi
Des jeunes qui ne
savent pas encore ce qu'est la vie
Que déjà on leur
apprend ce qu'est la mort
Des jeunes qui
dormaient tranquillement dans leur lit
Et qu'on est venu en
sortir pour qu'ils se couchent sur des corps
Des jeunes comme moi
qui n'ont pas fêté leurs 10 ans
Des jeunes qui ne
savent même pas ce qu'ils font ici
Mais qui sont venus
parce que papa maman
Leurs ont dit qu'ils
seraient braves et endurcis
Alors on vous croit
et on y va
On arrive là-bas et
on est fiers
Mais très vite on
s'aperçoit
Qu'on est venu tuer
nos frères
Mais il est trop tard
On est engagé
Et pour la plupart
Il y a du regret
Et pour moi il y en
avait
Et il y avait aussi
de la haine
De la haine contre
ceux que j'aimais
Ceux qui m'ont envoyé
sur cette plaine
Au beau milieu de
nulle part
Pour que j'y trouve
de l'animosité
Chez un être qui ne
devrait pas en avoir
Chez un être qui ose
se dire évoluer
J'ai vu des camarades
et mes amis se faire tuer
Je les ai vu un par
un tomber genoux à terre
Je les ai entendu
gémir crier et hurler
Ils me demandaient
tous d'aller chercher leur père
Et moi j'étais là
assis à leurs côtés
J'étais là sans
pouvoir les aider
Sans pouvoir les
sauver
Alors je les ai vengé
Et à mon tour je
devenais un monstre
Qui tuait par rage et
colère
Qui tuait ses frères
sans avoir honte
Qui possédait un cœur
de pierre
Je devenais un
monstre
Je devenais comme eux
la pire des bêtes
Et cela sans m'en
rendre compte
Sans savoir ce qui me
passait par la tête
Et je tuais, je tuais
des enfants
Et je tuais, je tuais
encore
Mais je ne tuais que
des innocents
Je les tuais en
pensant être fort
Alors que je n'étais
rien
Rien de plus qu'un
lâche
Qui préférait abattre
les siens
Plutôt que de se
tourner contre ceux qui se cachent
Derrière leurs
bureaux et qui interrompt la Paix
Parce qu'ils veulent
être respectés
Par les nations du
monde entier
Sans se soucier des
pertes occasionnées
Avec toujours de
beaux discours
Et moi pendant ce
temps je continuais cette hécatombe
Là où elle n'aurait
jamais dû voir le jour
Tout en remplissant
de nouvelles tombes
Je continuais ce dont
je pensais être bien
Je continuais à
défendre la terre de nos aïeuls
Je continuais à
défendre les miens
Je continuais en
étant bientôt seul
Mais je ne remarquais
rien
Je ne voyais plus
rien
Je n'entendais plus
rien
Je n'étais plus rien
Je n'étais plus qu'un
être bestial
Qui venait de se
perdre
Dans un monde vandale
Qui n'aurait jamais
dû paraître
Et j'errais
inconsciemment
Je ne savais plus ce
que je faisais
Je tuais spontanément
Je n'avais plus
d'identité
Puis un sifflement a
retenti
Une douleur s'est
faite sentir
Et j'ai poussé un cri
Je me suis effondré
dans la nuit
Mes yeux se sont
fermés
Mon cœur battait
toujours
C'était mon bras qui
était touché
Ce n'était pas mon
jour
Pourquoi je ne le
sais pas
Mais tout ce que je
peux dire
C'est que cette balle
dans mon bras
M'aura évité le pire
Non pas de mourir au
combat
Mais de tuer d'autres
gamins
Cette balle dans mon
bras
M'aura empêché de
devenir inhumain
Puis j'ai ouvert les
yeux
Je n'étais plus sur
le champ de bataille
J'étais dans un lit
loin des coups de feu
Avec seulement une
entaille
On est venu me dire
Que j'étais chanceux
J'ai préféré rien
dire
J'ai refermé les yeux
La nuit je revoyais
ces scènes atroces
Je tremblais, je
suais, j'avais peur
Je voyais des balles
et du sang sur mon torse
Je croyais sans cesse
que c'était mon heure
Je ne passais plus un
soir
Sans revoir un seul
de ces visages
Rempli de hargne et
de désespoir
Rempli d'angoisse mais
de courage
Voilà ce que vous
vouliez que je vois
Voilà ce que vous
vouliez que je sois
Et soit disant pour
qu'on soit fier de moi
Soit disant pour
qu'on soit fier de moi
Je préfère moi
Être fier de moi
Et c'est pourquoi
J'ai fais ce choix
De partir loin de vous
De partir pour toujours
De quitter ce monde de fou
Et de trouver un monde d'amour
30 août 2007